Les bouddhistes prônent l’impermanence, concept selon lequel la seule chose qui ne change pas, c’est finalement que tout change tout le temps. Ce concept semble d’autant plus prégnant dans notre société où les changements s’accélèrent. Nous devons, si nous voulons survivre et continuer à nous développer, nous adapter. Darwin l’a bien dit : « les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ». Alors pourquoi tout le monde veut le changement tout en résistant ? Entre zone d’inconfort et zone de confort, il n’y a qu’un pas.
En appui du 9eme festival de l’innovation pédagogique, sur le thème : ZONE D’INCONFORT : OSER, APPRENDRE, SE FAIRE PLAISIR ET GRANDIR, Karine Bressand, Dr en neurosciences et coach et Brigitte Boussuat, auteure et spécialiste de l’accompagnement du changement proposent, à ceux qui vivent et accompagnent les changements, 6 articles.
Notre cerveau est-il outillé pour le changement ?
Les neurosciences montrent que nous sommes en effet outillés pour le changement. Nous, humains avons, entre autres, un cortex frontal bien développé (juste sous notre front). Ainsi, il nous permet de penser, de nous projeter, d’analyser… Nous possédons surtout cette formidable opportunité qu’est la neuroplasticité. Il s’agit de cette capacité que possède notre cerveau à créer de nouvelles connexions neuronales au fur et à mesure de nos expériences. Ainsi nos comportements se trouvent modifiés. Et nous pouvons par ailleurs nous adapter à notre environnement.
Notre cerveau est fait pour apprendre. C’est ainsi que des chercheurs américains viennent de mettre en évidence la manière dont un apprentissage modifie notre cerveau [1]. Nous avons donc un cerveau du changement, pourquoi est-il en ce cas si difficile de changer ?
Le paradoxe de la routine
Ce n’est pas faute de nous le répéter « sortez de votre zone de confort ! ». Et si, finalement, le problème résidait dans cette injonction paradoxale : Pourquoi notre cerveau qui recherche le plaisir, par l’intermédiaire de la dopamine, voudrait quitter sa zone de confort ? En effet, dans cette zone, la routine domine, permettant une prise en charge automatique et sans effort de nos comportements habituels. Nos noyaux gris centraux régulent nos comportements moteurs et nos apprentissages routiniers (marche, vélo…). D’autre part, notre cervelet, ce « petit cerveau » à l’arrière de notre tête, ajuste la coordination de nos mouvements et bien plus encore. Une étude a ainsi récemment montré qu’il intervient dans nos comportements sociaux. ll est également en lien avec le cortex frontal siège de nos fonctions complexes telles la créativité ou la prise de décision [2].
En ce sens, c’est une bonne chose que d’avoir des automatismes car notre cerveau est un gros consommateur d’énergie. Il ne représente que 2% du poids du corps mais consomme 20% de l’énergie. En pilotage automatique, le cerveau de la routine qui gère 80% de nos activités, nous permet donc de faire des économies d’énergie. Une telle activité consciente en permanence nous épuiserait. Mais cette routine est aussi une véritable tueuse de neurones. En effet, notre cerveau se développe en fonction de l’usage que nous en faisons et les connexions inutiles sont éliminées. Notre cerveau ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Il est donc bon de ne pas s’enfermer dans la bulle de la routine comme le dit Paulo Coelho : « vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine. Elle est mortelle. ».
La zone d’inconfort, danger ou opportunité ?
Être dans la zone de confort nous apporte un sentiment de maîtrise et de sécurité. Au contraire, s’aventurer vers le changement, vers l’inconnu fait peur. Notre cerveau de la survie, le système limbique en particulier, analyse en permanence les signaux de l’environnement. Il les compare aux expériences passées pour mesurer l’intérêt, le caractère agréable et le danger afin d’adapter nos comportements. Dans le même temps, notre cortex veut atteindre ses objectifs. Nous sommes ainsi exposés à un conflit interne inconfortable puisque les priorités et les objectifs sont contradictoires : penser ou survivre ?
Dans cette situation, ce sont de véritables tiraillements que nous ressentons avec des émotions telles qu’appréhension, contrariété, peur. Dans le même temps, notre cerveau envoie des signaux d’alerte à notre intestin, qualifié par Michael Gershon, neuro-gastro-entérologue à l’université de Columbia pour la première fois de « deuxième cerveau » en 1992. Oui, nos émotions se logent bel et bien aussi dans notre intestin. Avoir « la peur au ventre » ou « l’estomac noué », « digérer une information », « prendre aux tripes »… Il existe beaucoup d’expressions qui traduisent les signaux d’alerte que nous pouvons ressentir en cas d’appréhension ou de peur. Ce cerveau de la survie, agit en véritable coupe circuit sur notre cortex frontal qui fonctionne au ralenti et rend difficile le passage à l’action. Au stade ultime, le système limbique prend le contrôle, que le danger soit réel ou non. Alors, soit nous nous figeons (état de sidération), soit nous prenons la fuite pour retourner dans notre zone de confort, bien au chaud, soit nous nous épuisons à lutter contre nos émotions et l’inconfort persiste jusqu’au moment où nous osons franchir le pas.
Traverser la zone d’inconfort c’est oser une nouvelle expérience.
Réussir, c’est ressentir du plaisir et avoir envie de recommencer. Ces nouvelles connexions dans notre cerveau vont se renforcer avec l’acquisition de nouvelles compétences / comportements. Elles vont également augmenter la confiance en soi jusqu’à la sensation d’être dans une plus grande zone de confort. Alors pourquoi ne pas oser et faire de notre cerveau notre allié ?
[1]. Timothy A. Keller and Marcel Adam Just. “Structural and functional neuroplasticity in human learning of spatial routes”. 2016. NeuroImage vol. 125 : 256-266.
[2]. Ilaria Carta, Christopher H. Chen, Amanda L. Schott, Schnaude Dorizan, and Kamran Khodakhah. « Cerebellar Modulation of the Reward Circuitry and Social Behavior”. 2019. Science vol.363.
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